Lucien van der Walt, “Afrique du Sud:La signification politique du NEPAD, une recette maison pour le néolibéralisme,” February 2004, ILS-SIL Bulletin no. 1
Afrique du Sud:La signification politique du NEPAD, une recette maison pour le néolibéralisme
Texte de Lucien van der Walt
Penser en terme d’Afrique, mais s’organiser localement.
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), adopté par l’union africaine à Abuja, Nigeria, en octobre 2001, n’est ni plus ni moins qu’une politique néo-libérale menée par les élites africaines associées aux corporations multinationales, le FMI et la banque mondiale pour détourner les forces et les ressources des travailleurs africains. C’est la consolidation d’un certain nombre d’évolutions néo-libérales de la part de l’équipe disparate de dictateurs, chefs militaires et capitalistes qui dirige.
Un jeu
Cela désigne le nouveau but stratégique de ces élites : l’arrangement avec le capitalisme global. C’en est fini des jours où les dirigeants Africains avaient au moins tenté de lutter ? sous l’épaisse fumée de l’impossibilité révolutionnaire – afin de développer leur propre capitalisme. Il existe un jeu dans la ville – le capitalisme global dominé par les sociétés industrialisées et les corporations ? et les patrons locaux africains qui veulent y rentrer.
Top-down
Présenté comme participative et démocratique lors de sa création et dans ses intentions, ce document a été produit par les « leaders » dont la pratique est anti-démocratique, et globalement contre les classes laborieuses. Ecrite par Thabo Mbeki, d’Afrique du Sud, champion de la stratégie GEAR, dans son pays, avec l’aide du dictateur algérien Aziz Bouteflika, et Le nigérien influent Olusegun Obasanjo, le NEPAD a été soutenu par quasiment tous les gouvernements africains. Aucun citoyen, aucun syndicat, aucune structure communautaire, aucun mouvement populaire n’y a été associé.
Comme toutes les stratégies des classes dirigeantes, le NEPAD se pare des attributs de la prévenance, et envoie des signes positifs en direction de la masse des travailleurs et paysans d’Afrique, les plus désespérément pauvres du monde. Il promet des améliorations spectaculaires des conditions de vie et de travail.
Le sujet, cependant, est la manière dont ces buts vont être atteints. Mais lorsque l’on examine les méthodes par lesquelles le NEPAD se propose d’exercer sa magie, il devient évident que les masses ont peu à gagner, si ce n’est plus de chaînes.
Démocratie ?
Les gouvernements africains, selon le NEPAD, deviendront plus démocratiques. Aucun moyen n’est clairement décrit pour garantir la véracité de ce fait.
La raison est simple : instaurer une base de droits démocratiques en Afrique signifie l’étude et le remplacement de quasiment tous les gouvernements en Afrique. Avec moins de cinq exceptions, les gouvernements d’Afrique sont des dictatures, que ce fait soit proclamé ouvertement et fièrement ou tranquillement installé par le biais d’élections manipulées et l’emprisonnement des opposants.
Privatisation
Dans tous les cas, la rhétorique de la « démocratie » est subordonnée aux objectifs premiers du NEPAD : attirer les capitaux étrangers en Afrique de façon à ce que les élites locales et étrangères puissent communément profiter de la main d’œuvre à faible coût et des marchés captifs.
La section 166 du NEPAD est très explicite sur ce point. Les gouvernements africains doivent créer un environnement sain et favorable pour les activités du secteur privé, promouvoir l’investissement direct étranger, les marchés, les exportations, et l’activité locale doit être développée.
Pour développer l’infrastructure locale, telle que les routes et l’électricité, la même recette est proposée : si l’on se réfère à la section 103, il doit y avoir une directive pour « accroître les investissements financiers dans les infrastructures en diminuant les risques pris par les investisseurs privés, spécifiquement dans les zones de structures politiques et de régulation ».
La privatisation est le nom de ce jeu : il doit y avoir « une politique et des structures légales pour encourager la compétition » et les politiques doivent tendre vers « une interaction trans-frontalière et un élargissement des marchés » (section 106). Le Partenariat Public-Privé (PPP) est désigné comme « un moyen prometteur pour attirer les investisseurs privés » permettant à « l’État de diminuer ses dépenses ». Dans la section 115, nous découvrons qu’ils doivent aussi ouvrir les ports, les routes, les voies ferrées et le transport maritime au PPP et au « concessions ».
Les PPP seront au cœur des alliances proposées aux capitaux de l’est et aux élites qui dirigent les états locaux. Ainsi que le désirent les compagnies privées africaines, les « entrepreneurs nationaux » qui sont pointées par le NEPAD comme une des clefs du développement.
Les initiatives pour les mouvements de capitaux
Pour les défenseurs de NEPAD, l’investissement privé est la solution miracle à tous les maux. Dans l’intérêt des travailleurs et des pauvres, les mouvements boursiers en Afrique doivent s’accroître. Pour remplir ses objectifs, le NEPAD a besoin d’un budget de 64 billions de US Dollars par an (section 147).
Une partie de cet argent proviendra des économies domestiques, une autre d’un durcissement des lois sur les impôts, mais le « gros des ressources devra être obtenu hors du continent ».. Cela sera fait, en partie, en essayant de faire réduire la dette africaine tout en sollicitant le « flux de capitaux privés » et les « investissements du secteur privé par les investisseurs locaux et étrangers ».. Cela sera complété par des prêts additionnels du FMI et de la banque mondiale.
Pour attirer les fonds étrangers, l’Afrique doit devenir une destination d’investissement positive, par le biais d’une adaptation des « règles de sécurisation de la propriété, et des cadres de régulation et des marchés ». « Les entreprises privées doivent être soutenues » et « les gouvernements doivent stopper les contraintes liées à l’activité lucrative ». Ceci signifie aussi l’attraction des gros capitaux dans les mines (section 160), et les usines (section 161), ainsi que la « libéralisation des marchés » et la baisse des impôts (sur les entreprises) (section 169).
Marchés libres
Le NEPAD est concerné au même titre par l’accroissement des fortunes des capitalistes africains. Le traité répète sans trêve la nécessité de « négocier des mesures et accords pour faciliter l’accès au marché mondial des produits africains » (sections 169, 170) afin « d’exporter des produits dans les marchés des pays développés par le biais d’initiatives bilatérales, et de négocier des termes plus équitables d’échanges pour les pays africains à l’intérieur du cadre d’échange multilatéral de l’OMC » (section 188).
Le développement de qui ?
Dans le NEPAD, il y a une affirmation franche : le capitalisme est bon et bénéfique pour tous. Donc, les privatisations, le libre marché, le libre échange, etc. sont les bienvenus. Le problème, dans cette optique, est aussi évident : c’est le capitalisme qui est à blâmer pour la plupart des problèmes majeurs auxquels ont à faire face les travailleurs et les pauvres.
Qu’était le colonialisme sinon que le retour du capitalisme des fusils Maxim ? Qu’a été la période post coloniale de 1950 à 1990 si ce n’est pour les capitaliste africains un moment pour s’enrichir vite tout en étouffant les plaintes des travailleurs et des paysans ? Alors que Mobutu Sese Seko, l’ancien « roi » du Zaïre, disait de son régime : « tout est à vendre dans …notre pays. Et dans ce trafic, …..toute parcelle de pouvoir public est un véritable instrument d’échange, échangeable contre de l’argent illicite ou tout autre bien ».
Penser maintenant que le système capitaliste dans sa version moderne, plus que nue, plus que cynique et vorace : le néolibéralisme, puisse être le salut de l’Afrique ordinaire est stupide. La maladie, dans le diagnostic du NEPAD, est en fait le remède. Quelle remarquable médecine !
Cette confusion n’est pas de la stupidité, quoiqu’il en semble : c’est la mystification du rôle du capitalisme, et des classes dirigeantes de l’Afrique en particulier : personne ne veut aisément poser le problème. Pas plus qu’un groupe social. Nous ne pouvons espérer des ces hommes puissants et avides d’argent d’être : des juges honnêtes, le jury et les exécuteurs de leur propres procès.
Le nouveau pacte de l’élite
Clairement, les élites africaines ont fait la paix avec leurs vieux compagnons de l’Est.
Les nationalistes radicaux des décennies 50 et 60, les hommes de l’entourage de Nkrumah et Kuanda, hommes qui avaient détesté le colonialisme (et adoré le capitalisme), sont sortis de la scène. Les anciens nationalistes ont joué, au moins, un petit rôle dans la contestation du colonialisme, et dans le renversement des anciens empires. Ils se sont attaqués à leurs peuples assez vite et assez durement mais ils ont eu –au moins pour un temps- un petit rôle dans les luttes globales pour l’émancipation.
La génération NEPAD est composée d’hommes plus cyniques et d’une stature plus pathétique. Contrairement à leurs prédécesseurs qui ont favorisé le capitalisme d’état, la génération NEPAD n’a pas adopté le néo-libéralisme et les ajustements structurels sans attentes –ils l’ont adopté et l’ont proclamée comme une « renaissance africaine ». Comme les trafiquants d’esclaves de l’ancienne Afrique de l’est, ils ont fait défiler leurs pays et sa population sur le marché mondial.
Stratégie
Deux choses peuvent encore arriver à ce point, les capitaux étrangers vont s’investir dans le NEPAD, ou non. Dans les deux cas, les implications stratégiques pour les travailleurs sont claires.
Soyons pratiques : que pouvons-nous faire maintenant ? Nous pouvons combattre le NEPAD et les élites africaines par le biais d’actions locales.
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Intensifier les luttes locales contre la privatisation, les blocages et les expulsions sont le meilleur moyen de gêner le NEPAD. Le NEPAD est le plan de bataille des élites, mais la guerre se mènent sur plusieurs fronts : l’armée des travailleurs et des pauvres doit se battre là où ils rencontrent leurs ennemis. Et l’ennemi le plus proche se trouve dans le pays.
- Il est important de coordonner nos luttes par delà les frontières, ainsi que le font les décideurs, et de reconnaître les points communs de nos différentes luttes contre les privatisations, le néo-libéralisme et les états autoritaires. Une solidarité populaire commune doit être construite, pierre par pierre.
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Cela signifie des actions pratiques –soutien aux prisonniers politiques des pays voisins, soutient des grévistes et diffusion de la littérature anarchiste et des publications radicales dans plus de pays.
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Les vieilles illusions des élites africaines doivent être démolies une fois pour toute. Si cela semblait autrefois acceptable –mais était une erreur- d’être menés par un Nkrumah, il serait ridicule d’être dupés par un Obasanjo, un Mugabe ou un Mbeki. Maintenant nous avons une occasion en or de démasquer ces bandits : faire la liaison entre les problèmes quotidiens des masses avec la rapacité et la brutalité de leurs dirigeants.